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Le rite
« En définitive, il semble préférable de chercher la fonction du rite non pas dans des finalités qui lui sont extérieures, mais dans ses caractéristiques propres, à savoir celles qui le font apparaître comme un moyen de régler les rapports entre ce qui est donné dans l'existence humaine et ce qui paraît la dépasser, puisqu'on a affaire précisément ici à des conduites qui ne trouvent pas leur explication dans la condition matérielle de l'homme mais qui pourtant lui sont étroitement liées. La nécessité de la ritualisation, telle qu'elle apparaît dans la société primitive, est donc impliquée dans le fait que, par sa nature, l'homme ne peut ni s'enfermer dans sa condition ni s'en échapper totalement. L'homme est libre ou se croit tel, ce qui fait naître en lui une certaine angoisse. Son action, son existence même lui semblent comporter une marge d'indétermination, par là même d'insécurité. Il éprouve ainsi le sentiment de quelque chose d'autre, qu'il ne peut maîtriser. C'est ce que les anthropologues appellent, à la suite de Rudolf Otto, le numineux. Ce terme, plus large que celui de sacré, désigne non seulement ce qui est surnaturel, mais ce qui se révèle comme mystérieux, à la fois attirant et effrayant. Ce qui échappe à la règle est inquiétant, et en même temps puissant. C'est pourquoi l'homme, quand il a le sentiment du numineux, de ce qui lui échappe, est tenté à la fois de s'en écarter et de s'en servir, ou bien, tout à la fois, de se préserver de ses dangers et de se mettre sous sa protection. De là résultent les attitudes fondamentales autour desquelles, en vertu de leurs fonctions anthropologiques, s'ordonnent les rites : la purification, la magie et la religion. »
Jean Cazeneuve, extrait de Le Rite dans Encyclopædia Universalis